Enrico Scacchia vaincu par la maladie

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20.07.2019 13:21 Uhr
Bertrand Duboux

La camarde, cette salope indomptable, a finalement gagné son combat contre Enrico Scacchia, l’ancienne idôle de la boxe suisse. Pas sur un ring mais sur le lit d’un établissement médicalisé qu’il occupait depuis plusieurs années dans la banlieue de Berne, rongé et affaibli par un cancer du système lymphatique. Une disparition attendue depuis quelque temps déjà face à l’avancée de la maladie, mais qui nous bouleverse profondément eu égard aux émotions et aux souvenirs extraordinaires que ce magnifique combattant laisse à tous ceux qui aimaient son style et son efficacité.

Après Fritz Chervet, Enrico (né à Berne le 27 avril 1963) fut l’un de nos meilleurs professionnels entre décembre 1981 et janvier 1999. L’un des plus spectaculaires par ses qualités de frappeur mais aussi l’un des plus charismatiques grâce à son physique de jeune premier qui faisait chavirer les midinettes. A son palmarès, 52 combats, 41 victoires (dont 26 avant la limite), 3 nuls, 8 défaites, et derrière lui une carrière que personne n’a oubliée car à l’époque de sa gloire, dans les années 80, ce déraciné à la jeunesse tourmentée électrisait les foules par ses attaques en crochets et ses séries des deux mains. C’était alors l’une des belles périodes de la boxe suisse dont Rocky, comme l’avait surnommé le fameux promoteur et organisateur genevois Daniel Perroud, était l’une des vedettes, avec le futur champion d’Europe lausannois Mauro Martelli.

Formé à l’école de Charly Bühler dans la fameuse cave de l’ABC Berne, le jeune Scacchia s’y est révélé comme un talent précoce. Junior puis amateur, il fut trois fois champion de Suisse des mi-lourds, puis professionnel à 18 ans et demi ! Un parcours en accéléré, bâti sur la rage qu’il avait en lui et qui l’amena logiquement à disputer le championnat d’Europe. Par deux fois, hélas, il dut s’incliner : pour le titre des super-welters contre le puncheur français Skouma en novembre 1985 à Genève, à 22 ans, après un combat héroïque (ko 6ème), puis en août 1987, à Berne, contre le géant hollandais Blanchard (abandon 9ème sur blessure à l’œil). Deux échecs douloureux qu’il aura du mal à surmonter et qui conditionneront sa fin de carrière.

Car, entre temps, Enrico avait quitté Bühler et perdu ses repères en passant d’un entraîneur à l’autre, d’un promoteur à l’autre, comme attiré par des sirènes. Il naviguait dans des eaux troubles qui seront à l’origine d’une dérive personnelle lourde de conséquences. Privé de licence par la fédération suisse pour des problèmes de santé, il se tournait vers l’Italie, son pays d’origine, pour prolonger une aventure qui allait mal finir malgré la conquête du titre national des super-moyens face au modeste Di Salvatore (ko 1er).

Fragilisé par plusieurs défaites dans les premières reprises, notamment battu par le Calabrais Miloni qui lui reprit le titre italien en février 1991 (ko 1er), Scacchia n’était plus le pur-sang de ses débuts, celui qui comptait des succès probants sur les Français Chesini, Rosemain, Richard Rodriguez et Segor, l’Espagnol Perico Fernandez, les Anglais Harris, Gilpin et Burke, l’Italien Marini et celui aussi qui avait battu par ko l’Argentin Ruiz (classé no. 7 mondial !) avant de tenir en échec, en décembre 1986, à Berne, le très dur Finlandais Uusivirta à l’issue d’un affrontement inoubliable. Après huit années à l’écart des rings, il disputa et perdit aux points à Skopje, le 1er janvier 1999, à 36 ans, son dernier combat contre le Macédonien Sasha Mitreski alors que la maladie avait déjà commencé son oeuvre destructrice.

Une bien triste fin de carrière pour un athlète doué comme rarement on en a connu en Suisse. Elle ne laisse que des regrets à ceux qui l’ont côtoyé et ont vibré aux exploits d’Enrico avant qu’il ne prenne des chemins détournés pour assouvir une passion qu’il a nourrie au-delà du raisonnable. Parmi ces fidèles figure Daniel Perroud, qui n’avait jamais rompu le contact et qui, pour fêter dignement son cinquantième anniversaire, avait réuni quelques amis autour de lui dans un hôtel nyonnais. C’était en 2013 et il aura fallu six années supplémentaires de lutte et de souffrances pour qu’Enrico s’avoue définitivement vaincu.

 
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